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La Syphilis, cette maladie que l’on croyait disparue

Comme vous avez pu le lire dans l’article consacré à l’aspect épidémiologique de cette maladie dans le numéro 69 du Comprimé, la syphilis est une IST qui progresse depuis les années 2000. Afin de parfaire votre connaissance sur la pathologie, nous vous proposons un bref rappel des aspects cliniques de cette maladie.

La maladie

Cliniquement, la syphilis est une maladie qui évolue en trois phases lorsqu’elle n’est pas traitée.

Chancre Shyphilitique

Chancre d’inoculation lors d’une syphilis primaire, CDC/ M. Rein, Public Health Image Library

La syphilis primaire se manifeste en moyenne 3 semaines après l’événement contagieux par un chancre d’inoculation indolore, propre, rosé, à base indurée laissant suinter une sérosité claire au niveau génital, annal, buccal ou cutané. Le chancre régresse spontanément en trois à six semaines et ce stade peut être accompagné d’une adénopathie satellite, généralement inguinale.

Roséoles dorsales lors d’une syphilis secondaire, CDC/ Dr. Gavin Hart, Public Health Image Library

La syphilis secondaire correspond à la phase de dissémination par voie hématogène de la bactérie pathogène. Elle débute en général 6 semaines après le chancre mais peut être observé jusqu’à 1 an après celui-ci. Elle se caractérise par des éruptions généralisées, avec l’apparition précoce de roséoles syphilitiques, qui sont des macules non prurigineuses du tronc, des plaques muqueuses indolores mais très contagieuses, surtout dans la cavité buccale, puis plus tardivement des syphilides papuleuses, brunes, non prurigineuses. Elle est souvent associée à des polyadénopathies superficielles indolores, un granulome hépatique et un syndrome pseudo-grippal avec fièvre et céphalées. Elle peut également provoquer une uvéite, une kératite, une rétinite ou tout autre signe associé à l’atteinte de n’importe quel organe, ce qui a valu à la syphilis la qualification de « grande simulatrice ». Les signes disparaissent spontanément en un à deux ans mais il est possible qu’il y ait l’apparition d’un neurosyphilis précoce, se traduisant par une méningite lymphocytaire avec plus ou moins des atteintes occulaires et/ou vasculaires.

La syphilis tertiaire survient dans 20% des cas, 2 à 10 ans après l’infection. Elle peut être responsable d’atteintes viscérales, neurologiques (neurosyphilis tardive, avec méningite, troubles de la mémoire et démence), ou osseuses et de gommes cutanéo-muqueuses.

Entre la phase secondaire et la phase tertiaire, la syphilis peut être en phase de latence, à durée variable, asymptomatique et non contagieuse.

Le pathogène

Treponema pallidum en microscopie à fond noir, CDC/ W.F. Schwartz, Public Health Image Library

La bactérie responsable de la maladie est Treponoma pallidum, une bactérie longue et très fine, à l’aspect hélicoïdal, flagellée, mobile, non capsulée, non sporulée, aérobie et intracellulaire facultatif. Elle prend mal la coloration Gram. C’est une bactérie très fragile, non cultivable in vitro.

Les examens directs pour le diagnostic bactériologique se font sur les prélèvements des lésions, du LCR, de ponction ganglionaire ou du liquide amniotique. La mise en évidence de la bactérie se fait sur microscope à fond noir ou par coloration argentique de Fontana-Tribondeau. Il existe cependant des tréponèmes commensaux de la cavité buccale, responsables de faux positifs. T. pallidum peut également être recherché par PCR ou par immunofluorescence. Enfin, une méthode d’infectivité du lapin peut être réalisée mais elle est inenvisageable en routine.

Traitement

Affiche publicitaire pour le Salvarsan 606 par le groupe chimique et pharmaceutique Hoecht, 1910

Historiquement, il était de coutume de prêter au mercure des propriétés thérapeutiques pour traiter la vérole, bien qu’aucune preuve scientifique actuelle n’ait pu démontrer son efficacité.

Au début du XXe siècle, la syphilis était traitée à l’arsphénamine Salvarsan (ou 606 pour les intimes), jusqu’à ce que le monde médical ait connu l’essor des antibiothérapies dans les années 40.

Aujourd’hui, le traitement de référence se base sur la Pénicilline G forme retard : la benzathyl benzylpénicilline EXTENCILLINE® était utilisée jusqu’à son arrêt de commercialisation en 2014, où la spécialité SIGMACILLINA® a pris le relais jusqu’en 2017. Actuellement, c’est la benzathyl benzylpénicilline SANDOZ® qui est utilisée, bien qu’elle n’ait pas le statut de générique de l’EXTENCILLINE®. En cas d’allergie aux pénicillines, la Doxycycline peut être utilisée à condition qu’il ne s’agisse pas d’une neurosyphilis ou d’une femme enceinte, dans quels cas il est recommandé de procéder à un traitement de désensibilisation aux pénicillines.

 

Benzathyl Benzylpenicilline

Lors du traitement, il convient de surveiller l’apparition d’une réaction de Jarisch-Herxheimer, une allergie aux composants bactériens libérés lors de la lyse massive des tréponèmes dans les heures qui suivent le traitement. Il est bénin sauf pour les femmes enceintes et les sujets âgés ; pour ces derniers, un traitement préventif au paracétamol ou une corticothérapie est mise en place.

Le succès du traitement est affirmé sur la décroissance des VDRL (Veneral Desease Research Laboratory). Toutefois, les tests tréponémiques (TPHA, FTA) restent positifs après guérison.

Enfin, cela vous a déjà été dit, mais comme on ne le répète jamais assez, la syphilis n’est pas immunisante, ce qui signifie qu’un individu contaminé et guéri reste vulnérable à une potentielle réinfection.

Sources :

ECN PILLY – Maladies Infectieuses et Tropicales édition 2018, édition Alinéa Plus, p.157-164

Bianchi, S. El Anbassi, N. Duployez, Bactériologie – Virologie, édition De Boeck, collection Prépa Pharma, 2013, p.109-111

Emery, La Méthode d’Ehrlich, traitement de la syphilis par le dioxydiamidoarsénobenzol, salvarsan, Hachette Bnf, Mars 2018

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