Actualités

Habitat indigne : quels risques pour la santé ?

L’habitat indigne désigne, par son terme générique, les logements dont l’état, ou celui du bâtiment dans lequel ils sont situés, expose les occupants à des risques manifestes pouvant porter atteinte à leur sécurité physique ou à leur santé. Cette définition concernerait, en France, 400 000 à 600 000 logements, affectant plus d’un millions de personnes.

Néanmoins, attention à l’amalgame facilement établi entre l’habitat indigne et le mal-logement ! Le mal-logement n’est pas réductible à l’habitat indigne, bien qu’il soit, en partie, composé par ce dernier ; en effet, le mal-logement peut être mentionné lorsque le logement est jugé indécent, ne se prêtant pas aux attentes de confort de vie des occupants (trop nombreux, trop humide, trop bruyant) sans pour autant affecter leur état de santé.

Illustration personnelle.

Toutefois, aujourd’hui, quels sont les risques pour la santé occasionnés par le logement indigne ? Quelles problématiques restent à solutionner ?

Saturnisme

L’intoxication chronique au plomb, dont l’exposition peut être digestive ou respiratoire, expose à des complications graves, comme des troubles neurologiques. La toxicité du plomb est étroitement liée à ses propriétés biochimiques, et notamment à son activité thioloprive. Inhibant le biosynthèse de l’hème, le plomb entre dans la composition des peintures à base de céruse, dont l’utilisation a été aujourd’hui totalement abandonnée. Le plomb peut toutefois encore rester présent dans certains foyers défraîchis, n’ayant pas bénéficié de travaux de rénovation depuis les années 1950. Le saturnisme concerne prioritairement les enfants en bas âge, la voie majeure d’ingestion étant manuportée.

Les cas de saturnisme, hors exposition dans des circonstances de catastrophes écologiques, sont extrêmement rares. Néanmoins, bien qu’elle ne soit pas une maladie à déclaration obligatoire, le saturnisme doit motiver, s’il se déclare, une réhabilitation du logement.

Intoxication au monoxyde de carbone

Le monoxyde de carbone, gaz inodore, incolore et insipide, est responsable, en France, chaque année, de près de 3 000 intoxications. Il représente la première cause de décès par intoxication en France. Produit par la combustion incomplète par entrée en contact de CO2 avec du carbone incandescent ou par combustion de matière carbonée en situation de déficit en oxygène, le monoxyde de carbone présente une très forte affinité avec le fer de l’hémoglobine. Cette forte affinité entrave la fixation et le transport du dioxygène, étant responsable d’une hypoxie tissulaire. Le tableau clinique peut être facilement évocateur, étant composé de vertiges, céphalées, nausées, faiblesse musculaire, altération de la conscience, euphorie ou troubles de la vision. Une intoxication, de ce fait à ne pas minimiser !

Faible luminosité dans l’habitat

Un autre risque sous-estimé de l’habitat indigne : la faible luminosité dans l’habitat. Bien que la lumière ait toujours été représentée, dès les débuts de l’urbanisation et de l’aménagement, comme un gage de sûreté hygiénique et sanitaire, par son activité mutagène voire létale sur des agents infectieux variés, il existerait aussi, selon les dernières études publiées, un lien moléculaire direct entre rythme circadien (influencé par la lumière) et l’expresson génique du récepteur TLR9, notamment impliqué dans les mécanismes de l’immunité innée. Finalement, la lumière, à travers la régulation du rythme circadien, pourrait aussi constituer un facteur de protection, lorsque ce dernier est bien équilibré, contre des pathologies variées : métaboliques (diabète, dyslipidémie), cancéreuses (prostate, sein) ou psychiatriques (dépression, schizophrénie, syndrome bipolaire) …

Moisissures et champignons saprophytes

Les moisissures, lorsqu’elles gagnent l’habitat, sont responsables de nombreuses complications, principalement respiratoires. Des expositions régulières à ces dernières, comme Alternaria alternata, sont responsables de l’augmentation de la prévalence d’asthme, de pneumopathies infectieuses et d’allergies. Des cas neurologiques, nommément d’hypoactivation du cortex frontal, ont aussi été rapportés chez des enfants dont des troubles cognitifs ont été diagnostiqués. D’un autre côté, bien moins suspectées, les mycotoxines, métabolites secondaires produits par les moisissures, semblent impliquées dans de nombreux processus physiopathologiques : mutations de l’ADN et cancérogénèse, auto-immunité (qui est notamment suspectée dans l’apparition du syndrome de fatigue chronique).

Au final, l’habitat indigne s’avère exposer ses occupants à de nombreux risques pour la santé, dont la cause est variable, et dont les effets sont tantôt clairement identifiés, ou à l’inverse aux balbutiements de leur compréhension. Le dialogue doit, de ce fait, être entièrement ouvert avec le pharmacien, professionnel de santé le plus facilement accessible dans notre système de santé actuel.

  • Loi n°90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement.
  • Philippe Glorennec et al, Exposition au plomb des enfants dans leur logement, Projet Plomb-Habitat (2008-2014) : principaux résultats, retombées et perspectives, Environnement, Risques et Santé (2015) 14(1):28-37.
  • E.Capilla et al, Syndrome coronaire aigu avec dysfonction ventriculaire gauche lors d’une intoxication au monoxyde de carbone, Annales de Cardiologie et d’Angéiologie (2016), Volume 65, Issue 1, pages 45-47.
  • Wafa El-Adhami et al, Biochemical studies on the lethal effects of solar and artificial ultraviolet radiation on Staphylococcus aureus, Arch Microbiol (1994) 161: 82-87.
  • Silver AC et al, The circadian clock controls toll-like receptor 9-mediated innate and adaptive immunity, Immunity (2012) 24;36:251-61.
  • Stevens RG et al, Meeting report : the role of environmental lighting and circadian disruption in cancer and other diseases, Environ Health Perspect (2007) 115(9):1357-62.
  • Pail G et al, Bright-light therapy in the treatment of mood disorders, Neuropsychobiology (2011);64(3):152-62.
  • Salo P et al, Exposure to Alternaria alternata in US homes is associated with asthma symptoms, J Allergy Clin Immunol, 2006 Oct; 118(4):892-898.
  • Cargo BR et al, Psychologica, neurophysiological and electrocortical effects of mixed mold exposure, Arch Environ Health (2003); 58:452-63. [1] Brewer J et al, Detection of Mycotoxins in Patients with Chronic Fatigue Syndrome, Toxins (2013); 5(4), 605-617.

Leave a Reply

shares