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Pourquoi l’ennui endort ?

Il est bien fréquent que lorsqu’on est confronté à une situation ennuyante comme un long cours magistral monotone, des révisions à n’en plus finir ou devant un film inintéressant, les paupières finissent par devenir lourdes et on finit par s’endormir. Un groupe de chercheurs a tenté de percer le mécanisme derrière ce phénomène et a obtenu des résultats qui ouvrent des pistes intéressantes.

L’étude publiée dans Nature Communications fin septembre 2017 révèle que le noyau accumbens, la partie du cerveau associée à la motivation et au plaisir serait impliquée dans l’induction du sommeil. Il était déjà connu que le noyau accumbens joue un rôle important dans le système de récompense, de l’accoutumance et de la dépendance (assuétude), dans le rire, le plaisir, la peur ou bien l’effet placebo. Une situation d’absence de stimuli motivante engendrerait un mécanisme qui induit le sommeil.

NIDA – Wikimedia commons

Les chercheurs de l’University of Tsukuba’s International Institute for Integrative Sleep Medicine et du Fudan University’s Department of Pharmacology in the School of Basic Medical Sciences sont en effet partis du constat que les animaux présentant des lésions au niveau du tronc cérébral ou du proencéphale basal, des zones connues pour leur implication dans le sommeil, arrivaient à dormir durant un temps suffisamment significatif. Des études pharmacologiques les ont donc poussés à se tourner vers l’adénosine, une substance somnogène dont on sait qu’une forte concentration est évocatrice d’un état de pénurie énergétique. Ils ont découvert que l’activation sélective des récepteurs A2A présent dans le noyau accumbens permet d’induire un sommeil statistiquement non différent d’un sommeil profond (phase 3), dont l’activité électrique est caractérisée par des ondes delta, lentes, de fortes amplitudes.

Pour ce faire, les chercheurs ont opté pour deux méthodes : une méthode chémogénétique d’activation des récepteurs A2A du noyau accumbens (NAcA2AR) et une méthode optogénétique.

Pour la méthode chémogénétique, des souris mutantes exprimant la Cre-recombinase sous les promoteurs des A2AR. Une hM3Dq Cre-recombinase-dépendante a été injectée par vecteur viral dans les noyaux accumbens de la souris. Pour activer spécifiquement les neurones d’intérêt, de la clozapine-N-oxide (CNO), un agoniste des hM3Dq, a été injectée par voie péritonéale. Les résultats des électroencéphalogrammes et des électromyogrammes des souris test lors de l’induction du sommeil par activation des NAcA2AR ont été comparés à ceux des mêmes souris avant et après le traitement durant leur phase de sommeil naturel par un test de Student.

Pour la méthode optogénétique, la stimulation de ChR2, un canal à cation dont l’ouverture peut être contrôlée par la lumière bleue, exprimé au niveau des cellules du noyau accumbens présentant des récepteurs A2AR a été utilisée. Les neurones ont été activés avec de la lumière bleue pulsée à des fréquences de 5 à 44 Hz. Les chercheurs ont pu observer une relation de corrélation entre la fréquence de pulsation, stimulation unilatérale ou bilatérale et temps de latence avant épisode de somnolence.

Les mécanismes détaillés de l’implication des neurones du noyau accumbens ne sont pas encore connus, mais cette découverte ouvre de nouvelles perspectives pour des traitements plus efficaces et plus sûrs de l’insomnie qui touche environ 10 à 15% de la population générale et 30 à 60% des personnes âgées dans les pays développés.


Source : 

Yo Oishi, Qi Xu, Lu Wang, Bin-Jia Zhang, Koji Takahashi, Yohko Takata, Yan-Jia Luo, Yoan Cherasse, Serge N. Schiffmann, Alban de Kerchove d’Exaerde, Yoshihiro Urade, Wei-Min Qu, Zhi-Li Huang, Michael Lazarus. Slow-wave sleep is controlled by a subset of nucleus accumbens core neurons in mice. Nature Communications, 2017; 8 (1) DOI: 10.1038/s41467-017-00781-4

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