Bon sang !

Beaucoup d’entre nous connaissent le principe du don de sang pour déjà en avoir donné ou, du moins, en avoir entendu parler dans les médias. Mais savez-vous exactement comment se déroule un don de sang ? Quel est le trajet d’une poche de sang entre le donneur et le receveur ? Quel est le devenir de la poche ?

Grâce au Docteur Sophie Somme, médecin à l’Etablissement Français du Sang (EFS), le Comprimé tente de répondre à ces questions et ainsi vous montrer que ce geste est essentiel !

Dr Somme bonjour, nous vous remercions tout d’abord de nous recevoir et de nous consacrer un peu de votre précieux temps pour répondre à nos questions.

Quel est le trajet du sang depuis le prélèvement jusqu’à la transfusion ? Combien d’acteurs y interviennent ?

Le don du sang est composé de 4 étapes, tout commence avec le prélèvement. D’abord, le médecin discute avec le futur donneur pour savoir s’il se sent prêt à donner. Après avoir vérifié quelques paramètres physiologiques (pression sanguine et autres) et avoir répondu au questionnaire concernant ses antécédents médicaux et son mode de vie (maladie récente, voyages à l’étranger, prise récente de médicaments, etc), c’est le passage au don. C’est alors une infirmière qui prend le relais pour effectuer le prélèvement.

La deuxième étape est la préparation du don. La poche est alors dirigée vers un plateau de préparation où elle sera filtrée (on retire les globules blancs) puis centrifugée afin d’en séparer les différents composants (globules rouges, plasma, plaquettes).

La troisième étape est la qualification biologique des dons, qui détermine si le sang prélevé peut être transfusé ou non (recherche d’éléments pathogènes dans le sang).

Enfin, la dernière étape est la distribution qui commence par un étiquetage précis du sang (groupe et rhésus) pour éviter que le sang transfusé ne soit rejeté par le donneur (effet anticorps-antigène, qui aboutirait à une hémolyse massive de l’individu transfusé). Cette étape s’achève par la distribution des produits sanguins dans les hôpitaux et cliniques qui en font la demande.

Il est à noter que la durée de vie des produits sanguins varie suivant leur nature. En effet, les plaquettes ne peuvent être gardées que 5 jours, alors que les globules rouges ont une durée de vie de 42 jours. Le plasma, lui, peut être congelé. Il pourra donc être gardé plusieurs mois

A l’EFS, 3 types de métiers coexistent: ceux de la chaîne de prélèvement et de la transfusion (médecins, infirmiers, techniciens de laboratoire et biologistes, etc), ceux de la maintenance (employés des services de support, des achats, de la logistique et du service du personnel) et enfin ceux de la direction.

Les infirmières prélèvent toujours 5 petits tubes de sang lors du don, en plus de la grande poche de sang. A quoi servent-ils ?

Ils nous servent à procéder à divers tests sanguins tels que la numération sanguine (nombre de globules rouges, de globules blancs, de plaquettes, quantité d’hémoglobine, détermination de l’hématocrite, groupage sanguin).

Nous recherchons également des marqueurs viraux tels que le HIV, l’hépatite B et C, le paludisme et la maladie de Chagas (trypanosomiase américaine) à la demande. Enfin, quelques tubes sont gardés dans une biothèque, qui est une banque qui garde en réserve le plasma pendant 5 ans pour une recherche éventuelle.

Comment se fait-il que l’on puisse donner uniquement des plaquettes ou du plasma ?

Un don de sang consiste à donner une poche de sang. Cette poche est ensuite séparée sur le plateau technique de séparation. Sont ensuite fabriqués à partir de la poche filtrée : un culot de concentré globulaire de globules rouges, une poche de plasma et une poche de concentré plaquettaire.

Des dons plus spécifiques (uniquement du plasma ou des plaquettes) sont appelés « dons d’aphérès ». Ceux-ci nécessitent des séparateurs de cellules : un don de plasma prend 45 minutes, un don de plaquettes 1 h30 à 2h et tous les deux se font sur rendez-vous à Strasbourg.

Tout le monde peut-il donner son sang ?

Pour pouvoir donner son sang, il faut être âgé de 18 à 70 ans et être en bonne santé au moment du don. Tout le monde ne peut donc pas donner.

L’exclusion du don est faite selon 2 axes :

Le premier axe est la protection du donneur : il est impossible de donner si son poids est inférieur à 50 kilos et si on est porteur d’une pathologie cardiaque. Le don est impossible si on a été victime d’une infection dans les deux semaines précédant un don ou si on a subit une opération ou un tatouage récemment. Enfin, on ne peut pas non plus donner si l’on a été soi-même transfusé ou que si l’on prend certains médicaments (par exemple des antibiotiques ou du Roaccutane®).

Toutes ces mesures sont prises pour protéger le receveur également. Celui-ci est souvent déjà affaibli s’agit donc ne surtout pas lui transmettre d’autres pathologies.

Existe-il un profil type du donneur parfait ?

Il n’y a pas de donneur parfait. Un donneur qui s’engage à donner son sang régulièrement, plusieurs fois par an (6 fois par an maximum pour les hommes et 4 fois pour les femmes), et qui accepte d’être sollicité pour d’autres types de dons (plasma, plaquettes) est bien évidemment notre cible préférentielle.

Vous vous déplacez régulièrement à la faculté de Pharmacie pour procéder a des collectes de sang. Les jeunes se sentent-ils concernées aujourd’hui ?

La part des jeunes est importante (plus de 34% des donneurs de sang), ce sont surtout les jeunes femmes qui donnent, puis elles sont prises par la vie active, les maternités et donnent moins à l’âge adulte comparativement aux donneurs masculins. Le premier don est souvent vécu comme un acte symbolique, mais il n’est pas renouvelé dans 50 % des cas, ce qui est vraiment dommage…

Le sang prélevé à Strasbourg reste-t-il à Strasbourg ou y a-t-il un regroupement national du sang ?

L’EFS est un établissement national, découpé en 17 régions. Les stocks en produits sanguins sont suivis de jour en jour au niveau national et il existe une régulation qui permet d’approvisionner les régions manquantes par une ou des régions excédentaires.

Aujourd’hui l’EFS s’occupe-t-il uniquement des dons du sang ou développe-t-il aussi des médicaments ?

L’EFS a le monopole de la collecte, de la transformation et de la distribution des produits sanguins labiles (concentrés de globules rouges, plasma frais congelé et plaquettes).

Il a un partenariat avec le laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB) qui, lui, s’occupe du fractionnement du plasma. Ce plasma est alors destiné à la préparation des produits sanguins stables tels que les immunoglobulines, les facteurs de coagulation, etc. En 2010, il a déjà fourni 885 000 litres de plasma (taux en augmentation constante depuis plusieurs années).

Depuis 2 ans, on note une grande campagne de publicité (radio, presse et autres), cela permet-il d’augmenter le nombre de dons ?

L’année 2009 a été l’année du don : sang, moelle osseuse, organes. Ainsi, de grandes campagnes de publicité ont été menées. Cette année, les campagnes se déroulent à un échelon plus local et sont donc moins voyantes.

En 2009, les dons de sang ont progressé de plus de 5% en Alsace et les dons de plasma de plus de 30%, ceci pour répondre à la demande croissante du LFB. En 2010, l’augmentation du nombre de dons se poursuit mais moins sensiblement.

Pour finir, une question concernant l’EFS et la pharmacie. Quel est le statut de l’EFS et pensez-vous qu’il existe des débouchés dans cette voie pour les pharmaciens ?

Placé sous la tutelle du Ministère en charge de la Santé, l’EFS est un établissement public de l’Etat. Les orientations générales et la direction de l’Etablissement sont définies au siège, situé à Paris. Les 17 établissements de transfusion sanguine régionaux, chacun dirigés par un médecin qui gère en région le prélèvement, la préparation, la qualification des produits sanguins labiles, l’immunohématologie ainsi que la distribution aux établissements de santé. Mais l’EFS ne bénéficie d’aucune subvention de l’Etat. Ses ressources proviennent de la gratuité du don et de l’économie marchande avec l’achat et la vente comme toute entreprise. Le chiffre d’affaire a été de 809,5 millions d’euros pour l’année 2009.

Il existe deux services où le pharmacien trouve sa place : les analyses sanguines et la recherche, mais je ne pense pas que cela soit le secteur d’activité le plus porteur pour un pharmacien…

 Marie

Comprimé 36  Automne 2010

Leave a Reply

shares