Interview Mr Speiss

Bonjour M.Spiess, merci de nous recevoir.

 

Pouvez-vous nous parler de votre cursus ?

 

Je suis originaire de Mulhouse et après mon baccalauréat j’ai intégré la Faculté de Sciences de l’ULP. Mais à la fin de la première année, j’ai voulu rejoindre la Faculté de Pharmacie car le programme de la deuxième année de sciences ne m’attirait pas particulièrement, notamment en raison de la perspective des cours de géologie et de chimie minérale (rires). Par équivalence (c’était possible à l’époque), j’ai pu intégrer directement la deuxième année de Pharmacie. J’ai été ravi de ces études et suis resté depuis dans la maison. Autrefois, la carrière universitaire commençait très tôt par un poste d’Assistant, ce qui permettait simultanément de préparer une thèse. J’ai effectué la mienne à l’École de Chimie, puis ma carrière a connu une évolution linéaire et j’ai fini par occuper un poste de professeur de chimie physique et chimie inorganique à la suite du départ à la retraite du professeur Charles Lapp.

 

Pourquoi avoir choisi comme matière d’enseignement la chimie minérale ?

 

Il y a là, comme bien souvent dans une vie, une bonne part de hasard. J’avais choisi au cours de mes études la filière biologie (actuellement la filière internat) pour me destiner à une carrière dans l’analyse biologique. Les deux années précédant la fin de mes études, pour des raisons de grève, le concours de l’internat n’avait pas été organisé à Strasbourg et je n’ai donc pas pu m’y présenter. Une fois le diplôme en poche, un choix s’imposait : refaire une année de préparation au concours ou devenir assistant en Chimie analytique à la Faculté de Pharmacie de Strasbourg. Si je suis toujours là, c’est que j’ai pris la seconde option. Le hasard encore du mouvement des postes m’a conduit à enseigner la chimie minérale, discipline qui, avec la chimie générale, doit rester à mon sens un pilier des études pharmaceutiques.

 

Que pensez-vous des études de pharmacie, sont-elles bien adaptées au monde d’aujourd’hui ?

 

Le monde évolue sans cesse, les métiers de la pharmacie n’y échappent pas, les études de pharmacie doivent donc s’adapter à tous ces changements. Ainsi, au début des années 2000 on a mis en place une réforme des deuxième et troisième cycles des études de pharmacie. De nouveaux enseignements ont été créés (cancérologie), d’autres ont été largement modifiés afin de promouvoir une approche plus intégrée. Les travaux pratiques ont également connu quelques changements, moins visibles à Strasbourg qui, à bien des égards, a servi de modèle. Ainsi, les travaux pratiques d’initiation et d’instrumentation qui existaient déjà sur place ont été élargis au reste de la France. La grande difficulté aujourd’hui dans l’établissement du contenu des programmes tient au développement considérable des connaissances. Il est illusoire de vouloir toutes les appréhender, il faut donc privilégier la réflexion, la compréhension et la maîtrise des grands concepts en s’appuyant sur de solides connaissances de base. Bien sûr, tout est perfectible, mais je trouve qu’à l’heure actuelle les études de pharmacie sont encore de belles études, conduisant à un beau diplôme et à d’excellents débouchés.

 

Et la L1 Santé dans tout ça ?

 

Depuis toujours je trouve que c’est une mauvaise réforme. Le premier objectif qui avait été mis en avant pour cette réforme est de « promouvoir un langage commun entre médecins et pharmaciens », ce qui pour moi n’a aucun sens en première année. Puis on a déclaré que cette réforme doit «éviter le gâchis humain» pour ceux qui ne réussissent pas à passer le cap de la première année. Il faut ici se rappeler que le système des reçus-collés, après une bonne année de formation, permet de rejoindre la deuxième année de la Faculté des Sciences et offre la possibilité par la suite de revenir par le biais d’un Master. Pour ceux qui n’ont rien, une étude a révélé que beaucoup d’entre eux se réorientaient avec succès. Seule une minorité d’étudiants perdent 4 année d’études, ce qui est indiscutablement douloureux, mais cela justifie-t-il une réforme de cette ampleur ? On aurait certainement pu imaginer d’autres solutions.

Nous avons aujourd’hui une belle formation et un beau diplôme et on se dirige vers une réforme dont, selon toute vraisemblance, le pharmacien pâtira. Voudriez-vous que je m’en réjouisse ?

 

 

Y a-t-il des points positifs à cette réforme ?

 

J’ai beau réfléchir, j’ai du mal à en trouver ; peut-être que cela évitera à quelques uns la succession d’échecs qu’ils peuvent connaître aujourd’hui. Ce qui me stupéfait le plus, c’est que cette réforme ne trouve grâce aux yeux d’aucun collègue. Tout le monde, à de très rares exceptions près, la trouve mauvaise. On aurait pu penser que les médecins généralement y adhéraient puisque c’est leur réforme, même pas ! J’aurais espéré que les étudiants de pharmacie fassent le même constat en se demandant quel était leur intérêt à cette réforme. Il y a eu peu de réactions de leur part, seule l’ANEPF (Association Nationale des Étudiants en Pharmacie de France) a eu un moment un éclair de lucidité.

(voir sur le site du Comprimé et au http://www.anepf.org/articles.php?lng=fr&pg=591)

 

Allez-vous continuer à enseigner en première année ?

 

Bien sûr, je vais assurer les cours de chimie générale pour le peu d’heures d’enseignement qui reste (24 heures de cours : 12h de chimie générale et 12h de chimie organique) dans le tronc commun. Quelques heures de plus dans l’UE spécifique. En si peu de temps, je ne pourrai traiter qu’une modeste partie du programme actuel, ce qui va réduire très sensiblement le socle des connaissances de base en chimie nécessaire pour la suite des études. Il en est malheureusement de même pour d’autres disciplines. Je crains que cette première année, à l’instar de la première année de médecine actuelle, ne devienne une année de sélection plutôt qu’une année de formation.

 

Parlons des BPL (Bonnes Pratiques de Laboratoire)…

 

Voilà à mes yeux quelque chose de beaucoup plus satisfaisant. Nous les avons mises en place avec Mme Maechling dès 1998. C’est une expérience originale dont je n’ai pas connaissance qu’elle ait été tentée dans d’autres universités et qui fait partie intégrante aujourd’hui de la formation des étudiants. Sur un plan pédagogique cela me parait être extrêmement important et je m’étonne que l’on puisse s’en passer ailleurs.

 

Comment vous est venue l’idée de les mettre en place à la faculté ?

 

J’ai eu cette idée lorsque j’ai fait ma mobilité (stage d’un an) dans une entreprise pharmaceutique où l’on introduisait l’assurance qualité qui inclut les BPL. J’ai dès le départ souhaité que toute la faculté de pharmacie participe à cette expérience et donc que tous les TP soient concernés par les BPL. Bien sûr, il fallait obtenir l’adhésion du plus grand nombre de collègues possible, cela a été le cas et a notamment permis de rapprocher les collègues des différentes disciplines. Au-delà des BPL, des liens se sont créés entre enseignants et étudiants et j’en suis très content. Peut-être faudrait-il à présent chercher à exporter cette expérience hors des murs de la faculté ? Je pense qu’à l’époque nous étions dans le vrai, puisque aujourd’hui cette notion de BPL dépasse largement les seuls laboratoires pour aller jusqu’à l’officine par exemple, à travers les BPO (Bonnes Pratiques Officinales). Dans les deux cas l’esprit reste le même, ce n’est que du bon sens formalisé avec une certaine rigueur.

 

Parlons du banquet, y alliez-vous ?

 

J’y suis allé, même assez régulièrement quand j’étais directeur adjoint mais ça fait quelques années que je n’y suis plus retourné. J’ai indiscutablement pris un peu de recul par rapport aux activités associatives des étudiants.

 

 

 

 

Quels sont vos domaines de recherche ?

 

Je fais partie du laboratoire d’Innovation Thérapeutique. Mon équipe s’intéresse à un certain nombre de paramètres physico-chimiques et conformationnels susceptibles de contribuer à l’explication de certaines observations biologiques. Nous avons par exemple travaillé récemment sur la norbadione A, il s’agit d’un pigment qui se trouve dans certains champignons et qui est considéré comme responsable de la radioactivité relevée dans ces champignons après l’accident de Tchernobyl. Nos travaux sont toujours résolument pluridisciplinaires.

Comme je suis beaucoup plus près de la fin de ma carrière que de son début, j’élargis très sensiblement mes centres d’intérêt et je prête actuellement beaucoup d’attention aux questions de bioéthique (je propose notamment une UE de bioéthique dans le cadre des masters). Pourquoi certains étudiants ne feraient-il pas d’ailleurs leur thèse d’exercice sur ces questions ?

Merci M. Spiess d’avoir consacré un peu de votre temps pour répondre aux questions du Comprimé.

               Charles, Laurent

Comprimé 33 Hivers 2009

 

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