Interview M. Landry

M. Landry, bonjour et merci de recevoir l’équipe du Comprimé dans votre bureau.

Pour ceux qui ne vous connaissent pas encore, pourriez-vous nous présenter votre parcours?

Je suis né à Verdun et suis allé à Nancy à la faculté des sciences en 1ère année, puis je suis passé en pharmacie en 2ème année, car à l’époque c’était encore possible. En 3e année, je suis rentré dans un laboratoire de biochimie de la faculté. En 5ème année, j’ai suivi l’option biologie et j’ai fait en parallèle un DEA de biochimie à la faculté des sciences. J’ai préparé une thèse d’enzymologie en Belgique à Louvain sur les mitochondries de levures, grâce à une bourse de l’Euratom. Puis, je suis allé aux États-Unis à Baltimore pour un stage postdoctoral d’un an, sur le transport cellulaire du calcium, chez Albert Lehninger, un grand auteur d’ouvrages de biochimie. Je suis revenu à Nancy sur un poste de maître assistant (maître de conférences) en biochimie avant d’avoir mon poste actuel à Strasbourg en pharmacologie moléculaire en 1976, j’avais 29 ans. J’ai développé à la faculté un labo de recherche dans le domaine de l’allergie pulmonaire qui a abouti à la création d’une unité INSERM. Ces dernières années, je me suis consacré plutôt à l’enseignement et à l’écriture.

Selon vous, comment doit être enseignée la pharmacologie?

La progression logique doit être de présenter les aspects moléculaires avant d’aborder l’enseignement systématique de la thérapeutique. Les aspects moléculaires sont le b-a-ba de la pharmacologie. Chacun sait que, dans l’apprentissage de la lecture, les méthodes globales ont été catastrophiques. Il faut donc apprendre l’essentiel des mécanismes d’action pour bien comprendre ensuite le traitement des pathologies. Un point positif dans la réforme de première année est que les cibles des médicaments sont présentées ; ceci était une notion presque totalement étrangère aux médecins dans beaucoup d’universités. Mais vu le temps imparti, il ne peut s’agir que d’une présentation très superficielle. Il faut donc conserver en seconde et en troisième année les cours de pharmacologie fondamentale, qui sont la base essentielle du médicament. Les directives données au niveau national ont souvent 50 ans de retard, avec une progression pédagogique pas du tout marquée. Ceci dit, quand il y a une réforme comme celle en cours, il faut se dépêcher de ne pas la suivre à la lettre. Nous avons l’autonomie des universités. Pourquoi ne pourrions-nous pas nous adapter aux possibilités locales plutôt que de jouer aux moutons de Panurge ?

Vous avez écrit plusieurs ouvrages pendant votre carrière, pouvez-vous nous en parler?

J’ai écrit pour l’instant 7 livres, le dernier paru « Initiation à la connaissance du médicament UE6 » est destiné aux étudiants de PAES. Un livre sur l’histoire du médicament, de l’Antiquité à 2010, est chez l’éditeur et sortira entre juin et septembre prochain. Je rédige actuellement le huitième, « Toute l’UE6 en QCM » destiné aux étudiants de première année.

Quand avez-vous commencé à écrire ?

Mon premier livre est paru en 1990, j’enseignais alors la pharmacologie depuis 14 ans. La grosse évolution a eu lieu dans les années 80, lorsque les principales structures des cibles des médicaments ont été découvertes.

Au niveau national, notre association d’enseignants de pharmacologie des facultés de pharmacie a jugé qu’il fallait intégrer ces nouvelles notions dès le début des études pharmaceutiques. À l’époque, il n’existait pas d’ouvrages même en anglais traitant de la pharmacologie moléculaire, j’ai donc, avec un ensemble d’auteurs, dont Jean-Pierre Gies, écrit un livre traitant de ces notions.

Quel est votre bestseller?

l s’agit de « Pharmacologie, des cibles vers l’indication thérapeutique » édité en 2003 avec une seconde édition en 2009. L’ensemble des deux s’est déjà vendu à plus de 5000 exemplaires. C’est surtout une satisfaction personnelle que d’être utile non seulement à 100 ou 150 étudiants de Strasbourg chaque année, mais aussi à des milliers d’autres en France et dans les pays francophones.

Est-ce que c’est lucratif ?

Ces ouvrages ne sont pas des romans qu’on vend dans les supermarchés ou les halls de gare. Mes droits d’auteur représentent en moyenne l’équivalent d’une semaine de salaire par an, ce qui est peu par rapport au temps investi (environ 1 an à raison de 4-5 heures par jour pour chaque ouvrage).

Ca fait quand même beaucoup d’heures, on pensait que vous aviez de la bouteille et que vous faisiez tout  ça de tête?

Les connaissances évoluent sans cesse, une notion peut être déjà dépassée entre le moment où on l’écrit et où elle est publiée. On ne peut donc pas se contenter de vagues souvenirs. Pour être crédible, il faut donc tout vérifier dans la littérature scientifique ou autre, comme on devrait le faire avant chaque cours.

Par rapport aux co-auteurs, il y en a 2 de la faculté, notamment Madame Rival et Jean-Pierre Gies, comment a démarré cette « relation », vous les avez choisis?

Yveline Rival est chimiste, et je ne le suis pas. C’était donc une collaboration essentielle pour la rédaction de notre « Dictionnaire pharmaceutique ». Pour Jean-Pierre Gies, nous travaillons ensemble depuis le début de sa thèse, il y a presque 30 ans, et pour les ouvrages depuis le premier en 1990.

Vous avez reçu plusieurs prix pour les Comprimés d’Or (cf. page 20), notamment celui de la personne qui publie le plus, un mot?

C’est gentil (rire). C’est vrai que j’ai pas mal publié, j’ai environ 110 publications à mon actif dans de grandes revues scientifiques comme Molecular Pharmacology, Journal of Immunology. Mais ce sont mes anciens thésards qui ont généré ces publications. Cinq sont chercheurs à l’INSERM. D’autres sont professeurs à Strasbourg, Luxembourg, Londres, Baltimore et Boston, ou ont des postes de haute responsabilité dans l’industrie pharmaceutique.

Vous avez été également élu le professeur le plus impressionnant aux rattrapages avec 71% des voix ?

Ça m’a toujours étonné. C’est vrai que de temps en temps, j’ai une ironie un peu mordante (NDLR cf. l’encadré) qui n’est pas toujours appréciée, oui, mais c’est uniquement quand je ne suis pas satisfait des réponses des candidats. De toute façon, je note très large, entre 0 et 19, contrairement à d’autres, où c’est plus entre 8 et 12. Mais cependant pourquoi ai-je si mauvaise réputation dans cet exercice ??? (rire)

êtes-vous déjà allé au banquet ?

Oui, presque tous les ans au début de ma carrière, mais la dernière fois c’était il y a 4-5 ans.

Avez-vous un conseil à donner aux étudiants ?

Quand on veut vraiment quelque chose, on arrive toujours à l’avoir

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